Le déclin de la pensée de gauche, et notamment communiste, ne doit en aucun cas être l’occasion de mettre au second plan de l’action publique la question sociale. Ce postulat peut apparaître une évidence, la gauche ne disposant pas du monopole de le question sociale. Cependant, force est de constater qu’une partie à mes yeux trop importante des partis de droite français tend à minimiser voire occulter la place primordiale des questions sociales dans l’élaboration des politiques publiques. Plus que les inégalités, ce sont les injustices qu’il convient de combattre, même si bien souvent, les inégalités sont synonymes d’injustices. Certaines inégalités ne sont pas à mes yeux choquantes : il est tout à fait normal qu’un pilote d’avion de ligne gagne davantage qu’un steward. Chacun a sa place et un rôle prépondérant dans la réussite d’un vol commercial, mais la responsabilité qui pèse sur un pilote est bien évidemment plus lourde que celle qui pèse sur un steward. L’inégalité de salaire entre le pilote et le steward ne constitue pas à mes yeux sur le principe une injustice. Par contre, si le steward ne reçoit pas une juste rémunération lui permettant de vivre décemment, il y aura dans ce cas une réelle injustice. En outre, même si le steward perçoit une rémunération décente, mais que le différentiel de rémunération entre le pilote et le steward atteint des niveaux démesurés, il y aura également existence d’une injustice.
La pensée de gauche a joué un rôle primordial dans l’analyse de la question sociale. Elle n’en a nullement le monopole. Le libéralisme économique peut tout à fait être régulé pour permettre d’apporter des réponses satisfaisantes à la question sociale. Cette régulation passe notamment par le maintien d’un SMIC à un niveau décent, par des dispositifs incitatifs de l’Etat envers les entreprises à la conclusion de contrats de travail à durée indéterminée, par la prise en compte du pouvoir d’achat réel des salariés dans la revalorisation du SMIC, par une réforme du syndicalisme permettant une véritable représentativité des salariés.
Le mariage de la performance économique et de la question sociale, l’économie au service du social, donc de l’homme, doit passer par la marginalisation de l’archaïsme d’une vieille gauche pour qui l’économie libérale ne peut être que contraire aux intérêts de la classe ouvrière. Ce mariage doit également passer par la marginalisation des représentants d’une pensée économique ou le profit et la finance sont les seuls et uniques critères de toute décision aussi bien au niveau politique que de l’entreprise.
Patrick Le Hyaric, Directeur de l’Humanité, évoque dans son éditorial de l’Humanité Hebdo de la semaine du 21 au 27 février 2008 la question sociale en invitant le lecteur à réfléchir sur l’affirmation suivante, à la suite d’une photographie d’une ouvrière de 50 ans, que l’on imagine aisément travailler dans le Nord Pas de Calais dans l’industrie métallurgique (une image d’Epinal d’une France ouvrière et industrielle aujourd’hui menacée par la mondialisation) : « Que celui qui est capable d’expliquer pourquoi un individu gagne 514 fois plus qu’un autre lève le doigt ! »
A titre personnel, je suis tout à fait capable d’expliquer et de justifier qu’un individu gagne plus qu’un autre, que cela soit deux fois, cinq fois, dix fois ou même trente fois plus. Il est indéniable que certains individus apportent davantage à la société que d’autres. Mais il y a des limites à tout principe, et une décence à maintenir. Gagner 514 fois plus qu’un autre individu apparaît difficilement justifiable sur des bases liées au mérite et à l’équité. Un tel différentiel illustre tragiquement les dérives d’un ultracapitalisme qui par de tes excès devient non seulement sauvage mais également barbare.
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